Vélo volé. Voleurs piégés.

Jean-Baptiste Briaud
17 min readApr 25, 2023

On nous vole un vélo électrique. Nous piégeons les voleurs.

J’ai eu besoin d’écrire, tout d’abord pour moi-même, pour passer à autre chose. J’ai aussi voulu témoigner. Beaucoup de choses qui se déroulaient usuellement ailleurs, se sont manifestées à moi à cette occasion.

Février 2023, un vendredi à 3h du matin

Dans un quartier réputé paisible de la banlieue ouest de Lyon, à Sainte Foy-lès-Lyon.

Elle, encore un peu endormie, “Je crois que mon vélo s’est déplacé, il a bougé …”
Moi, complètement endormi, “Quoi ?”

Elle descend.
Je n’ai pas tout compris. Très lentement, le cerveau totalement embrumé, je cherche à relier, à comprendre ces mots entendus mais pas encore totalement intégrés. Le vélo ? Bougé ? ça ne veux rien dire !

Elle remonte, et poursuit “mais si, on a volé mon vélo ! Tu ne l’as pas bougé hier ? Non, alors il a été volé !”

Je suis bien réveillé maintenant. Je descend à toute vitesse, l’étage, le rdc, le sous-sol, le garage, j’ouvre, je sors pieds-nus dehors : plus de vélo ! C’est factuel, il a été volé, mais comment ? C’est lourd un vélo électrique. Nous n’avons rien entendu. Je reste quelques instants, hébété, immobile, dans le froid, sans comprendre.

Il fait nuit. Inspection rapide du portillon, puis du portail : rien. La clôture ? Rien non plus. Mais comment ont-ils pu passer ce vélo de 27 Kg ? Mystère.

C’est un vélo électrique tout neuf, un cadeau anniversaire de dizaine, on ne dira pas laquelle pour ne fâcher personne. Il intègre un traceur GPS avec une application sur le téléphone.

Nous avons donc le dernier trajet effectué. On dirait le trajet d’un ivrogne de Sainte Foy-lès-Lyon vers Lyon. Ce trajet se termine dans le centre de Lyon dans le quartier de la Guillotière.

Nous appelons le commissariat local.

“ Ah monsieur, on ne peut rien faire ! Vous savez, les traceurs GPS sont très imprécis. Allez voir sur place si vous trouvez le vélo, récupérez-le. S’il y a du monde, ne faites rien, rappelez-nous. Nous n’avons plus de moyen pour y aller.”

Incroyable, c’est à nous de mener l’enquête. Nous sommes seuls, la police ne sortira pas pour enquêter malgré la position indiquée sur la carte.

Je fais remarquer à la personne que c’est lui la police et que c’est un peu curieux de ne pas se déplacer. Mon interlocuteur me rétorque qu’il n’y a plus dans ce commissariat la possibilité de mettre en oeuvre une patrouille.
Je suis interloqué et en colère. Je vois la position de mon vélo, on a violé mon domicile en pleine nuit, mais la police ne fera rien. C’est à moi d’aller voir !

La colère me bouge, je ne veux pas laisser ce vélo aux mains des voleurs.

La planque

4h du matin à la Guillotière.

Je vous écris donc de la voiture où nous attendons devant un immeuble du quartier de la Guillotière, au cœur de Lyon, pour pouvoir rentrer et approcher le point indiqué sur la carte.
En effet, c’est la police, qui, ne pouvant apparemment rien faire, nous à conseillé cette procédure. C’est donc nous qui menons l’enquête. Nous sommes en planque dans la voiture.

Ils nous ont par exemple préconisé d’attendre qu’une personne sorte de l’immeuble pour pouvoir rentrer, comme dans les films ! Je suis avec mon équipier, il ne nous manque que le sandwich et le mauvais café. Même mauvais, j’aurais bien pris un café à cette heure matinale car nous sommes partis immédiatement.

C’est calme. Nous sommes dans un quartier connu pour son animation bigarrée. Il faut y être à 4h du matin pour le voir calme. La zone se trouvant devant nous est connue pour son trafic de drogue. C’est un jardin communautaire, protégé par un haut grillage.

Une entrée vers une cour intérieure. Je vais voir, on ne sais jamais puisque la position GPS est peut-être imprécise. Rien. Pas de vélo. Un parking d’immeuble et un grand mur de plus de 5 mètres de haut me sépare de l’emplacement indiqué par le GPS.

D’après la carte, il faut passer par une porte cochère. Elle est close à cette heure.

Les premiers lève-tôt arpentent le trottoir avec leur chien. Quelques héros silencieux du quotidien se dirigent vers leur lieu de travail, taiseux, déjà concentrés ou bien encore endormis.

Nous jetons régulièrement des regards dans les rétroviseurs. Le silence. Aucun mouvement dans la rue.

Sans raison, je sors voir la rue, plus loin, à l’angle, pour voir. Rien. Personne. Pas de vélo.

5h du matin

Dans la voiture, en planque à la Guillotière.

Les éboueurs passent, sans bruit. Je bondi hors de la voiture et obtiens qu’ils laissent la porte cochère ouverte contre une promesse de tout bien refermer derrière moi.

Cela abouti à une cour intérieure avec des portes de garages individuels. Fermés. Des garages… Nous sommes, semble-t-il, à quelques centimètres du vélo.
On ne peut rien faire de plus. J’appelle à nouveau la police, le 17 cette fois.

  • Quoi ? On vous a envoyé chercher votre vélo ? Mais ils sont dingues !
  • De toute manière, on ne peut rien faire - ça sera le leitmotiv de cette journée.
    On ne va pas ouvrir des garages sans plus de preuves.
  • Ca n’est pas faux ! Que faire alors ?
  • Portez plainte !
  • On nous a dit pas avant 8h, on nous a même précisé qu’elle ne serait prise en compte qu’après 9h avec l’arrivée de la personne.
  • N’importe quoi, ils vous disent n’importe quoi, c’est dingue ! On peut porter plainte à toute heure. Voici l’adresse du commissariat le plus proche. Vous verrez, on va le retrouver votre vélo.

Nous refermons la porte cochère et nous nous rendons au commissariat.

Quand je pense que j’étais à 20 cm du vélo, devant la porte du garage …

6h du matin

Commissariat du 3eme.

Nous voici donc au commissariat du 3eme d’où j’écris. Nous arrivons vers 6h. Le lieu est désert. Nous racontons notre histoire à la personne derrière le comptoir.

C’est un autre son de cloche qu’au téléphone : vélo difficile à récupérer, on ne les retrouve jamais, il y en a trop. On ne peut rien faire.

Notre interlocuteur, un peu gêné, nous explique qu’il termine son service à 6h08 et qu’il ne pourra recevoir notre plainte.

Devant notre regard ahuri, il poursuit.

  • c’est pas qu’on veux pas travailler, mais je ne pourrais pas recevoir votre plainte. Je suis debout depuis 10h la veille.
  • Rassurez vous, la relève sera opérationnelle à 6h14, ils prendront votre plainte.

Pourquoi ces horaires de bus ? Mystère.
Nous observons la relève se faire.

Avant de partir, l’équipe qui part nous livre un dernier conseil : surveillez le bon coin. Si vous trouvez votre vélo, faites mine de vouloir l’acheter et appelez-nous.

C’est encore à nous de mener l’enquête !

Vous savez, nous ne sommes que trois fonctionnaires ici, on ne fait pas de patrouille, on ne peut rien faire.

Vers 6h30, on viens nous voir. Un agent prend des renseignements sur le vol. Il note les informations sur un téléphone portable.

Nous patienterons une heure dans ce lieu désert à cette heure. L’ambiance est glauque. Salle d’attente vide, murs crasseux, vielles affiches diverses qui tiennent tant bien que mal sur des morceaux de ruban adhésif. Léger ronron d’un automate qui vends du café et des sandwichs.

Le fonctionnaire revient près d’une heure plus tard avec des papiers.
Signature, coup de tampon. Nous voici avec le procès verbal rédigé, notre plainte dûment cachetée.

Je cherche à comprendre, pourquoi est-ce si long ? J’apprendrai que la rédaction se passe sur une antique application sous Windows, hors d’âge et dont l’ergonomie semble être une insulte à l’esprit humain. Chaque information nécessite un nombre de clic excessif. C’est un cauchemar à utiliser. Tout le monde perd du temps. Les policiers utilisateurs de cette application sont héroïques, des héros électroniques ! Ils restent motivés, pour nous, dans ce contexte qui leur est défavorable, comme sapé de l’intérieur.

Quelle perte de temps ! Il est plus rapide de voler un vélo que de rédiger une plainte. Nous sommes dans une bataille asymétrique et ce déséquilibre n’est pas en notre faveur. C’est mathématique, nous ne pourrons pas gagner cette bataille dans ces conditions asymétriques.

Ce jeune fonctionnaire de police m’a fait de la peine. Ce pauvre jeune homme n’est pas entré dans la police pour se trouver confronté à un conflit ergonomique de haute intensité. Version moderne de la paperasserie d’autrefois. Il était frustré, profondément atteint de ne pas pouvoir faire mieux pour nous.

En partant, il nous annonce que la police devrait patrouiller dans le secteur, au cas où. Il nous confirme l’intérêt de surveiller le bon coin puis d’appeler le 17.

Conclusions de ce passage au commissariat :

  • Les voleurs ont encore de beaux jours devant eux.
  • Rédiger un PV est plus compliqué et plus long que de voler un vélo.
  • Le système de géolocalisation à une utilité toute relative même si l’histoire n’est pas terminée.
  • Le vol ressemble à un business model générant des besoins : anti-vols, système de géolocalisation facturé par abonnement mensuel par les assurances, etc.
  • La police ne peut rien faire.
    Entre 4h et 7h du matin, je l’ai beaucoup entendu. C’est noté.
  • Appelez le 17 et rien d’autre. J’avais le numéro du commissariat local, mais ils nous ont donné de mauvaises informations et n’ont plus aucun moyen (patrouille, etc). Ces commissariats locaux sont uniquement administratifs et donc, absolument inutiles en cas de besoin opérationnel rapide. Il faut appeler le 17 directement et sans hésiter.

Nous surveillons le bon coin ou bien une possible erreur des voleurs via la géolocalisation.

La journée s’étire dans une lenteur inhabituelle. Fatigué physiquement, éprouvé nerveusement, la journée de travail se déplie lentement et semble interminable.

19h

A la maison dans ce quartier réputé paisible.

Nous recevons un mail du traceur GPS : le vélo est en mouvement.
Vite, la carte ! On se rue sur l’ordinateur. Appel au 17.

  • Vous avez demandé le 17, ce service est un service d’urgence …
  • Nous attendons, fébriles.
  • Vous avez demandé le 17, ce service est un service d’urgence …
  • Même rengaine en anglais.
  • 3 min 30 plus tard - c’est long quand on est pressé - on décroche.
  • Je raconte à nouveau mon histoire.
  • Où sont-ils ?
  • Place Gabriel Péri. Le cœur battant de la Guillotière. Ils ont pris le vélo pour faire 300 mètres.
  • Ok, on envoie une patrouille de la BAC, ils vous rappellent.

Rapidement, je reçois un appel, je suis en direct, dans la voiture avec la patrouille.

Nouveau déplacement, nouvelle rue. Au téléphone, on me demande d’envoyer des infos par SMS : positions, copie d’écran, photo du vélo, etc. Ils se rapprochent.
Je rafraîchi régulièrement la page sur le navigateur. Nouvelles coordonnées.
Attendez la vitesse chute, le vélo est à l’arrêt. On se retrouve sur la position de la nuit, rue Montesquieu.
C’est à ce moment critique que la patrouille arrive sur place, avec moins d’une minute de décalage sur les voleurs.
Ils interrogent des personnes dans la rue, je suis tout en direct au téléphone.
Des personnes ont été aperçues entrant dans l’immeuble avec un vélo. Les policiers se sont vus claquer la porte au nez pour les empêcher de passer.
La police interpelle des voisins :

  • Avez-vous vu des personnes rentrer ?
  • Oui, par ici …

Mon interlocuteur est essoufflé, la patrouille monte un escalier.
J’échange par SMS quelques informations supplémentaires ne sachant pas quoi faire de plus. Ils m’indiquent avoir trouvé l’appartement, ils frappent à la porte.

  • Police, ouvrez !

Personne ne répond.

On m’explique que la situation est complexe et qu’ils pourraient ne pas ouvrir. On vous rappelle.

Le téléphone sonne de nouveau. On me parle à voix basse.

  • Nous sommes devant l’appartement.

J’entends tout. A coté de mon interlocuteur, un équipier chuchote :

  • Il y a de la lumière. Ils sont là, mais ils n’ouvrent pas.
  • Attention, il y a des bruits de barres de fer !
  • Monsieur, je vous rappelle.

Un silence pesant s’installe autour de moi. J’étais projeté dans cette histoire rocambolesque. Soudainement, je me retrouve seul dans une pièce silencieuse.

Ils me rappellent quelques minutes plus tard avec une photo du vélo qui était dans un squat, dans les étages.
Nous reconnaissons notre vélo.
Il s’agit de 3 personnes. Je n’en sais pas plus, mais quelle aventure !

On m’indique que je serai rappelé plus tard pour récupérer le vélo.

Le soir, épuisé, impossible de m’endormir. Cette histoire tourne en boucle. Sommes-nous assez sécurisés ? Qui sont-ils ? Vont-ils revenir pour des représailles ou pour voler autre chose ? Que faisaient ils à errer dans notre secteur ? Comment se protéger ?

Je m’endors bien tard, mais nous savons que nous pouvons dormir demain matin.

Le lendemain samedi, 7h40

Le téléphone sonne. Je décroche en sursaut, une sorte d’acte réflexe dans ce contexte encore tendu pour nous. Que se passe t-il encore ?

  • Bonjour, commissariat du 8eme, c’est pour votre vélo, pour le récupérer. Quand pouvez-vous venir car je dois m’organiser pour la journée.

Moi, réveillé, mais à 80% de mes capacités :

  • Euuuuh, quand ? Je ne sais pas, qu’est-ce qui vous arrange ? Ce matin ?

J’entends mon interlocuteur dire :

  • Entre 8h30 et 9h, parfait !

Nous voilà donc en route pour le commissariat du 8eme. Cette fois, nous prendrons un peu de temps pour nous, histoire de prendre une douche et de grignoter.

Nous arrivons au commissariat, heureusement, il y a pas mal de place pour se garer, car il faut se débrouiller : pas de parking.

Nous nous retrouvons devant un mur de verre capable de refréner toute tentative d’ouverture violente. En ce qui nous concerne, nous souhaitons seulement entrer.
Un grand écriteau stipule “ne pas toucher” alors nous ne touchons pas.
Nous apercevons des points de couleurs sur la gauche, des boutons ? Non, on dirait plutôt des voyants, mais rien ne semble allumé.

Un officier de police nous fait des grands signes à l’intérieur. On ne comprend rien. Il est difficile de distinguer la porte des murs qui sont aussi en verre blindé. Je fini par appuyer sur ce qui semble être un bouton. Bingo, c’est un bouton, mais rien. La porte reste fermée et l’officier d’acceuil semble maintenant se désarticuler pour nous guider, mais on ne comprend rien à sa pantomime. Nous craignons son énervement, quand un pan de mur, la porte, s’ouvre juste à temps.

Nous pénétrons dans un sas de sécurité. Nous attendons. Une voix artificielle nous indique quoi faire et une autre porte s’ouvre en même temps que la première est solidement verrouillée.
Nous sommes entrés et nous dirigeons vers le guichet.

  • Bonjour, avec qui avez-vous rendez-vous ?
  • … Je ne sais pas !
  • Vous ne savez-pas avec qui vous avez rendez-vous ? Mon interlocuteur semble stupéfait.
    Il me faut une personne, sinon … il pointe l’ordinateur du doigt.
  • Mais, je vous assure, je ne sais pas, on m’a appelé en nous disant de venir, c’est tout. Je ne sais pas qui m’a appelé. Nous venons récupérer un vélo.
  • Ah, mais alors, vous avez son numéro de téléphone, vous pouvez rappeler la personne.
  • Mais c’est vrai, je n’y pensais pas. J’appelle.

J’obtient l’information, il s’agit du brigadier Noisette.

Derrière le comptoir, la personne tapote frénétiquement un téléphone fixe et, après un court instant en ligne, nous indique de nous asseoir.

Nous sommes dans un grand hall d’attente. Il n’y a personne. Nous nous asseyons dans un coin.

Nous attendons.

Une personne arrive de l’extérieur devant le comptoir. On lui demande son département. 01. Incroyable, cette personne viens de l'Ain au commissariat de Lyon 8. Tout a été centralisé à l’excès visiblement.
Une autre personne évoque son histoire au guichet : on l’aurait drogué au sortir du métro, il vient porter plainte. Wow …

C’est maintenant un petit bonhomme tout rond qui arrive, pull orange fluo. Une drôle de démarche.
Après quelques minutes, il revient vers le comptoir. Il n’est pas content et il le fait savoir à haute voix. Le pauvre officier d’acceuil n’y est pour rien, mais il en prend plein la figure. Le petit bonhomme vocifère, “je ne suis pas un chien, on doit venir me saluer tout de même”.
Je me dit que ça doit être un avocat.

Le brigadier Noisette viens nous chercher. La femme se plante devant nous les mains sur les hanches. “C’est vous le vélo ?”

Ce n’est pas le moment de chipoter. Nous répondons par l’affirmative et la suivons.

Dans un véritable labyrinthe que nous traversons en suivant l’officier Noisette, nous arrivons à l’extérieur devant un enclos cerné par un grillage.

C’est un amalgame hétéroclite et invraisemblable de vélos de toute sorte, les uns contre les autres, les uns au dessus des autres. Un tas.
Pour être plus précis, on perçoit clairement une volonté initiale de rangement simple et ordonné. Cependant, cette volonté s’est érodée petit à petit, débordé par une réalité qui nous impressionne. Le nombre de vélo est tel que l’enclos prévu est ridiculement petit. Il a donc fallu entasser les vélos retrouvés, tant bien que mal, finalement, les uns enchevêtrés dans les autres, cul par dessus tête.

  • Voyez vous votre vélo ? Il doit être ici.

Dans ce contexte la question est risible. Nous pouffons de rire et tentons de nous retenir pour ne pas vexer la personne qui a contribué avec ses collègues à reconquérir notre vélo.
Maintenant que la police l’a arraché des mains des voleurs, reste une dernière épreuve - on se croirait dans un jeu télévisé - où est Charlie le vélo ?

En creux, on notera la montagne, invisible, elle, des vélos qui n’ont pas été retrouvés. Au dire d’un officier de police avec qui nous discuterons, c’est une haute montagne. Il ira jusqu’à nous dire : “Vous comprenez, la police ne peut pas s’occuper des vélos volés, il y en a bien trop ! ”

Retour dans les bureaux sans le vélo, nous voulons croire en l’hypothèse qu’il n’a pas été rangé.
Hypothèse confirmée ! Il avait été habilement préservé du rangement par un fonctionnaire scrupuleux. Le vélo nous attendait donc dans les couloirs.

L’étape suivante est administrative, dans un petit bureau. Tout y passe : nom, adresse, carte d’identité, facture, photo, numéro de plainte, etc.
Tout est prêt et nous débitons les informations demandées au même rythme que les questions.

Depuis le début de cette histoire, une question me hante : qui sont les voleurs ? Je pose des questions à l’officier Noisette qui a pu voir les personnes incriminées au cours de l’audition qui est en cours.
Voici le paysage dantesque qui m’a été décrit.

Qui sont-ils ?

Commissariat du 8eme.

Le vélo a été retrouvé dans un squat, dans les étages.
Pour y avoir fait la planque de bon matin, je n’aurais jamais imaginé que cet immeuble puisse contenir un squat !
Cette histoire, bien en amont, commence donc avec un propriétaire lésé.
Quand j’y repense, je n’aurais pas non plus imaginé les traffics en tout genre dans ce jardin communautaire si paisible à 4h du matin.

Il s’agit de 3 personnes, toutes illégalement présentes sur le territoire. Des immigrés clandestins. L’un deux a une OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français). Il est “très défavorablement connu des services” avec un dossier de 4 pages de méfaits, de délits de toutes sortes !

L’OQTF, c’est une obligation de quitter le territoire. On demande aux fauteurs de trouble de se présenter volontairement dans un centre de rétention spécial à la réception de ce document administratif.
Une demande administrative qui s’apparente à “Si cela ne vous dérange pas trop, pourriez vous s’il vous plaît vous rendre de votre propre gré dans un centre en vue de quitter le territoire, d’accord ?”
Evidemment, ils se moquent éperdument de ce courier, il n’y a aucune contrainte.
Une vaste rigolade.
Dans cette logique dévoyée, pour lutter plus en amont contre le vol, pourquoi pas ne pas leur demander par courrier de respecter la loi et de ne plus commettre de délit ?

Drogué avec un mélange de médicaments, l’un d’eux bavait et ne parvenait pas à parler.
Ils étaient violents et de mauvaise foi, l’officier de police se préparait à une audition difficile.

Ils ont indiqué s’être procuré le vélo en l’achetant place de la Guillotière, vers 2h du matin. Etre au bon endroit au bon moment pour un achat judicieux, voilà le secret.
C’est risible, mais la trace GPS que le vélo a laissée rend cette déclaration possible.

Ils ont tous demandé à voir un médecin, c’est un droit. Un droit que nous finançons, qui monopolise un médecin. Dans le même temps, on manque de médecins pour la population.

Ces trois zigotos ont tous prétendus être mineurs. Ils n’ont pas de papiers sur eux. Dans le doute, puisque c’est douteux, il faut mesurer la longueur d’un os qui permet de déterminer un âge.
Il faut donc les amener dans un centre de radiologie où toute cette procédure va encore monopoliser des ressources : véhicule, police, radiologue, infirmière, accueil, appareil médical, etc.

J’ai encore appris que nous leur finançons un traducteur. Aux dires de l’officier de police procédant aux auditions, des heures et des heures de traducteur sont dépensées chaque année.

Enfin, j’ai appris à cette occasion que la France leur donnait 500€ par mois, nous leur payons cette somme chaque mois.
C’est très généreux avec l’argent de ceux qui se lève tôt le matin pour aller travailler.

Nous sortons du commissariat avec le vélo.
Assis dans une salle isolée de la salle d’attente, nous croisons le regard appuyé de l’homme au pull voyant. Probablement l’avocat des lascars. Il voulait qu’un officier vienne le saluer, mais nous, les victimes, on ne nous avait pas encore reçu. Merci à la police d’avoir fait les choses dans le bon ordre.

Il y a 8 ans, il y avait un commissariat dans cette ville tranquille de l’ouest Lyonnais. Il a été déplacé et concentré ailleurs. Ce dernier à ensuite été déplacé et concentré ailleurs. Il devrait à son tour être déplacé et concentré à Lyon 8.
Il n’y a maintenant plus rien de local alors que des cliques rodent dans notre secteur, dans ce quartier prétendument calme. Nous allons devoir être plus vigilants et nous organiser avec les voisins.

Samedi, en fin d’après-midi. Dernier appel

A l’instant, je reçois un appel téléphonique de l’officier en charge de l’audition.

Impossible de prouver que ce sont les voleurs, ils prétendent avoir acquis le vélo à 2h du matin à la Guillotière.
L’officier n’y croit pas du tout, pour elle, ce sont bien eux les voleurs, mais on ne peut pas le prouver. L’un d’entre-eux, celui qui a une OQTF et 4 pages de délits à son actif, le principal mis en cause, est convoqué au tribunal fin décembre.
En attendant, tous sortent libres du commissariat dès le lendemain du vol.

Ils ont mobilisés beaucoup de ressources aux frais du contribuable : médecins, infirmière, équipement, traducteur, avocat, policiers, etc.
Plusieurs dizaine de personnes. Peut-être cinquante si l’on prend l’ensemble de la chaîne depuis mon premier appel à la police.

De notre côté, nous avons un sentiment d’insécurité. Un sentiment …
Avec les voisins qui, eux aussi, ont subit récemment des intrusions, des vols, etc , nous réfléchissons à divers moyens de renforcer notre sécurité.
Nous voilà réduit à envisager l’ajout de frontières locales puisque nos frontières ne nous protègent plus.
Une bataille asymétrique.

Le jugement est prévu pour décembre, 10 mois plus tard. Pour nous, les victimes, il faudra prendre un congé si nous souhaitons nous y rendre. Il n’y aura rien de plus que cette information lapidaire donnée par téléphone.
Je n’ai rien qu’une date et une heure griffonnées sur une note. A moi de me rapprocher du tribunal, de me débrouiller pour le trouver si je souhaite me constituer partie civile.

Les voleurs sont assistés. Nous sommes seul.

Je note que celui qui est convoqué au tribunal a reçu une OQTF, il doit donc quitter le territoire sans délai. Suis-je le seul à trouver contradictoire de le convoquer au tribunal, sur le territoire, 10 mois plus tard ? Que doit-il faire pendant ces 10 mois ? Rester; partir et revenir; partir et rester en même temps ?
Quant aux autres de la bande, rien.

Actuellement, ils sont libres, rien ne les empêche de recommencer. Au vu des quatre pages de délits déjà commis, c’est avéré.
Notre ressenti est proche de l’abandon.

Conclusion

J’ai une pensée bienveillante et décentrée pour ces immigrés clandestins qui sont, eux aussi, les victimes d’un système qui dépasse notre propre pays. Il n’est pas judicieux de mettre les choses en opposition : “eux” versus “nous”.
Je crois aussi que nous devrions refuser de dégrader nos conditions de vie en France. Cela ne profite pas à ces victimes qui vivent ici dans la précarité, la drogue, la délinquance et qui manquent à leur pays d’origine qui a besoin d’eux.
Ces victimes ont des droits et c’est heureux, mais nous aussi avons des droits, par exemple, celui de vivre en sécurité, sans craindre pour sa famille une intrusion chez soi durant la nuit.

Notre société lutte contre les conséquences dont elle chéri les causes.

Mon dernier mot sera pour la police de terrain.
Merci. Ne lâchez pas.

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